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Dermatite atopique, psoriasis : ces avancées qui améliorent la vie des patients

Il arrive que la peau s’enflamme, quand le système immunitaire s’emballe. Mais pour certaines de ces maladies auto-immunes, des innovations changent aujourd’hui la vie des patients.

Démangeaisons, plaques rouges ou dépigmentées, sensations de brûlure, perte de cheveux... De multiples troubles empoisonnent le quotidien des patients touchés par une maladie de peau associée à une réponse inadaptée du système immunitaire. Certaines sont très fréquentes. C’est notamment le cas de la dermatite atopique et du psoriasis, qui constituent les atteintes cutanées les plus répandues après l’acné. D’autres sont un peu plus rares mais socialement très invalidantes comme la pelade et le vitiligo. Dans tous les cas, l’interaction entre l’hérédité et l’exposition à des polluants ou au stress peut perturber de façon chronique certaines cellules immunitaires localisées dans la peau. Conséquences : une réaction inflammatoire et des symptômes cutanés plus ou moins étendus. Heureusement, de nouvelles familles de médicaments sont désormais disponibles pour les cas résistants. Tour d’horizon de ces solutions thérapeutiques éprouvées et innovantes.

La dermatite atopique mieux apaisée

Cette maladie chronique inflammatoire de la peau, aussi appelée eczéma atopique, concerne jusqu’à 5% des adultes. Elle est responsable d’une altération de la barrière cutanée, de lésions, de prurit et "peut être à l’origine d’infections provoquées par les démangeaisons répétées, de troubles du sommeil et d’altération de la santé mentale", prévient le Dr Marc Perrussel du CHU de Rennes, référent de l’Association française de l’eczéma.

Les solutions éprouvées : "des produits locaux hydratants sont toujours nécessaires pour restaurer la barrière cutanée et il faudrait utiliser 1 kg de crème par mois !", assure le Dr Perrussel. Autres traitements essentiels : "des crèmes à la cortisone pour calmer le système immunitaire, des UV chez le dermatologue et, pour des formes plus résistantes, un immunosuppresseur en crème (tacrolimus). La Ciclosporine (immunosuppresseur par voie orale) fait aussi partie des recommandations mais ses effets secondaires peuvent être importants (infection, insuffisance rénale, troubles digestifs...)."

Les nouveaux traitements : de nouvelles biothérapies en injection sous-cutanée ont récemment obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour la dermatite atopique résistante. Il s’agit d’anticorps monoclonaux (dupilumab et tralokinumab) qui neutralisent l’inflammation. De nouvelles thérapies ciblées par inhibiteurs de JAK sont également disponibles par voie orale et visent le même effet en bloquant la réponse inflammatoire dans la cellule (baricitinib, upadacitinib et abrocitinib).

Leur efficacité : "jusqu’à 70% des patients observent l’amélioration de trois quarts de leurs symptômes et se sentent mieux grâce aux biothérapies ou aux inhibiteurs de JAK", assure le Dr Perrussel.

Les bénéfices-risques : si les biothérapies sont bien tolérées, les inhibiteurs de JAK nécessitent une surveillance et sont à prescrire avec précaution chez les patients de plus de 65 ans et/ou avec des facteurs de risque cardiovasculaires notamment liés au tabagisme, ou de thrombose. Mais ils restent des alternatives efficaces pour les autres.

Les plaques de psoriasis réduites radicalement

Cette autre maladie inflammatoire chronique est responsable de plaques rouges et squameuses qui démangent dans 50% des cas le bas du dos, le cuir chevelu, les coudes ou des genoux, les ongles, la zone génitale et anale… "Environ 2 à 4% de la population est touchée par une forme plus ou moins étendue et grave, pouvant être corrélée à des rhumatismes et à une maladie inflammatoire chronique de l’intestin", précise le Dr Sophie Vildy, dermatologue à Nantes.

Les solutions éprouvées : des crèmes exfoliantes et d’autres associant vitamine D et corticoïdes (aussi disponibles en mousse). "Pour les psoriasis étendus ou faute de résultat suffisant avec les crèmes, ajoute la spécialiste, des UVB en cabine chez le dermatologue ou le methotrexate sont proposés. Ce dernier est un immunosuppresseur (également utilisé dans le rhumatisme psoriasique). Il est administré par voie orale ou injectable, avec un effet anti-inflammatoire assurant une amélioration très importante du psoriasis chez 70 % des patients", précise la spécialiste. Les effets secondaires les plus fréquents restent mineurs (fatigue et troubles digestifs dans les 48 h) et les plus sérieux (baisse des globules rouges, infections) sont très rares.

Les nouveaux traitements : "Depuis une dizaine d’année, l’avènement des biothérapies a révolutionné la prise en charge du psoriasis et les toutes dernières molécules (bimekizumab, rizankizumab, guzelkumab) sont encore plus efficaces, explique le Dr Vildy. Il s’agit d’anticorps monoclonaux en injection sous-cutanée,  qui bloquent de façon ciblée des protéines impliquées dans l’inflammation." Toute nouvelle également, une thérapie ciblée par inhibiteur de JAK (deucravacitinib) bloque un autre mécanisme de l’immunité et de l’inflammation.

Leur efficacité : les biothérapies améliorent de 90 à 100 % les atteintes sévères chez plus de 70% des patients, et l’inhibiteur de JAK permet 75 % d’amélioration.

Les bénéfices-risques : "Bien tolérées, les biothérapies vont bientôt pouvoir être prescrites par tous les dermatologues de ville, même pour les formes assez modérées, afin que l’ensemble des patients puissent en bénéficier plus rapidement " précise le Dr Vildy. Quant à la nouvelle thérapie ciblée (deucravacitinib), elle ne montre pas de problème de tolérance pour le moment.

La repousse des cheveux facilitée en cas de pelade

"Cette maladie auto-immune est responsable d’une inflammation des follicules pileux qui entraine la chute plus ou moins importante, étendue et durable, des cheveux et des poils, explique le Pr Julien Seneschal, du CHU de Bordeaux. Jusqu’à 2,1% de la population peut développer un épisode de pelade dans sa vie."

Les solutions éprouvées : de la cortisone en crème, par voie orale ou par injection, éventuellement en association avec un immunosuppresseur (méthotrexate) pour plus d’efficacité.

Les nouveaux traitements : "deux thérapies ciblées, les inhibiteurs de JAK (baricitinib, déjà utilisé pour la polyarthrite rhumatoïde, et le ritlecitinib), bénéficient depuis peu d’une AMM pour la pelade et sont en attente d’accord pour leur remboursement", note le Pr Seneschal. Elles ciblent des enzymes impliquées dans la réaction immunitaire et inflammatoire.

Leur efficacité : repousse significative à 9 mois, avec une couverture du cuir chevelu atteignant plus de 80% de la surface.

Les bénéfices-risques : si les effets secondaires immédiats restent assez limités (diarrhée, lésions acnéiformes, risques infectieux), on manque encore de recul pour évaluer le sur-risque de cancer, de thrombose et de maladies cardiovasculaires à long terme, notamment chez les patients à risque ou de plus de 65 ans. "Mais pour ceux ne présentant pas de facteur de risque particulier, ces nouveaux traitements ont un intérêt justifié par leur efficacité », reconnaît le Pr Seneschal.

Une peau repigmentée en cas de vitiligo

"Cette affection est due au dérèglement du système immunitaire, qui s’attaque alors aux mélanocytes (les cellules productrices de mélanine, qui teinte la peau), explique le Pr Seneschal. Jusqu’à 2% de la population peut être touchée." Selon une étude du British journal of dermatology (2023), 75% des patients ont entendu dire qu’il n’y avait pas de traitement. C’est faux !

Les solutions éprouvées : "Une prise en charge thérapeutique montre depuis longtemps ses bénéfices en s’appuyant sur des produits hydratants, la photothérapie, des crèmes à base de corticoïdes pour le corps, un immunosuppresseur en pommade pour le visage (Tacrolimus), et un antioxydant en complément alimentaire", assure le Pr Seneschal.

Un nouveau traitement : une toute nouvelle thérapie ciblée par inhibiteur de JAK (ruxolitinib ou Opzelura) est disponible en crème. Elle bloque l’action de ces molécules du système immunitaire qui provoquent l’inflammation et la perte des mélanocytes. Destinée aux adultes et aux adolescents de plus de 12 ans, pour le visage principalement, elle est disponible depuis le 31 janvier et peut être prescrite par tous les dermatologues.

Son efficacité : 50% des patients observent une amélioration de 75% sur leur visage, après un an d’application.

Les bénéfices-risques : "Les deux applications quotidiennes requises au long cours peuvent être contraignantes, indique le Pr Seneschal. Et ce produit étant local, quelques réactions cutanées localisées sans gravité (irritation, boutons) ont été observées, mais aucun effet secondaire à distance sur l’organisme." Le bénéfice semble ainsi vraiment supérieur aux inconvénients.

Les nouvelles thérapies recouvrent des notions médicales complexes

Thérapies ciblées : ce sont des traitements de précision qui ciblent soit des cellules, soit des cytokines inflammatoires (petites protéines qui assurent la communication entre les cellules immunes) et/ou leurs récepteurs. Ces thérapies agissent donc de manière sélective, sur une voie particulière du système immunitaire, pour moduler son expression. Les anticorps monoclonaux et les inhibiteurs de JAK en font partie.

Anticorps monoclonaux : quasiment identiques aux anticorps produits par notre système immunitaire, ils appartiennent aux biothérapies car ils sont fabriqués en laboratoire à partir de cellules mises en culture. Leur nom finit toujours en "mab".

Inhibiteurs de JAK : médicaments chimiques (par opposition aux biothérapies), les anti-JAK sont des molécules inhibitrices de l'enzyme Janus Kinase localisée au niveau intracellulaire. Ils bloquent l’action de certaines cellules impliquées dans l’immunité et l’inflammation. Leur nom se termine toujours par "inib".

Ces maladies de peau ne sont pas contagieuses

Les stars ont-elles sensibilisé l’opinion publique en exposant leurs symptômes ?

Oui, l’affichage médiatisé des singularités physiques, comme les taches de vitiligo du mannequin Winnie Harlow ou de l’animatrice TV Nathalie Simon, ou encore la pelade de l’actrice Jada Pinkett Smith, a aidé beaucoup de patients à mieux assumer ces maladies et à lutter contre les idées reçues.

Quels sont encore ces préjugés ?

Il faut par exemple en finir avec la peur, infondée, de la contagion. On dit aussi trop souvent que ces pathologies sont dues au stress, alors qu’il n’est qu’un facteur éventuellement aggravant parmi d’autres.

Ne dit-on pas aussi à tort qu’il n’y a pas de solutions ?

Trop de patients le croient encore, car on ne sait pas guérir ces maladies, dont les symptômes peuvent revenir à l’arrêt des traitements. Mais il existe bel et bien des solutions thérapeutiques efficaces qui changent la vie.

Merci au Dr Sophie Vildy est dermatologue à l’hôpital privé du Confluent, à Nantes.

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Par la rédaction